Lors du scrutin municipal du 5 novembre prochain, les électeurs auront le choix entre élire des représentants qui vont maintenir le droit pour les citoyens d’enclencher des processus référendaires ou des représentants qui vont l’abolir. Ces référendums peuvent avoir lieu lors de changements de zonage ou lors de règlements d’emprunt.
Actuellement, les membres d’une communauté peuvent faire valoir leur désaccord en demandant un référendum lors de changements de zonage ou lors de règlements d’emprunt. Ce processus référendaire est pour certains l’ultime garde-fou contre les décisions d’élus municipaux qui ne tiendraient pas compte des citoyens concernés, tandis que pour d’autres il s’agit d’une tracasserie inutile, coûteuse et rarement utilisée, qui nuit à l’efficacité de nos villes.
La nouvelle loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs, adoptée en juin dernier, permet maintenant aux villes de se soustraire définitivement au processus référendaire en adoptant une politique de consultation publique qui sera, nous l’espérons, solide et inclusive.
Cependant, nous sommes nombreux à croire que, même avec le meilleur processus de consultation, rien n’assure aux citoyens, outre les élections tous les quatre ans, que leur point de vue sera pris en considération.
N’oublions pas que la menace d’un référendum est un outil puissant aux mains des villes pour obliger les promoteurs à peaufiner leurs projets en fonction des intérêts de la collectivité.
Pour plusieurs, la perte des référendums municipaux est un recul démocratique important dans un milieu qui n’est déjà pas reconnu pour sa transparence et son ouverture à la participation citoyenne.
Une tranche désabusée de la population peut penser qu’il s’agit ici de donner un contrôle absolu de nos villes à des élus et des cadres qui n’ont pas démontré dans l’histoire récente avoir la probité nécessaire pour que nous leur accordions de telles marges de manoeuvre.
Cette loi vient d’une vision qui mise sur l’efficacité bureaucratique accompagnée d’une solide consultation en amont. Elle risque cependant de se heurter à la défiance des gens envers la politique. De plus, elle s’oppose aussi à la vision qui voit la démocratie comme un organisme vivant devant, de pair avec ses citoyens, porter le débat public et s’autoréguler tout en favorisant le débat public.
Certains politiciens, dans un but d’efficience, pourraient être tentés de larguer le processus référendaire pour aller plus vite, plus loin. Cela serait une erreur. Pourquoi ? Parce que la souveraineté populaire ne doit pas être escamotée au profit de l’efficacité d’un projet. Cette souveraineté trouvera, d’une façon ou d’une autre, une façon de s’exprimer et de mettre à mal la soi-disant efficacité invoquée.
Nos femmes et nos hommes politiques d’aujourd’hui doivent non seulement faire avec la démocratie, mais construire à travers elle et apprendre à défendre leurs idées et leurs projets. Ils doivent prendre le risque de s’exposer, de trancher et d’agir.
Il ne s’agit pas de rechercher toujours le consensus, mais de s’assurer que le débat ait lieu à armes égales entre la Ville et ses citoyens. Que chacun ait le droit d’être entendu et que ses opinions aient potentiellement le même poids que celles de nos institutions. Voilà la véritable efficience.
Allons-nous, comme électeurs, laisser institutionnaliser la perte de nos pouvoirs démocratiques ou nous ressaisir collectivement et élire des gens qui vont défendre les référendums ? Voilà la question.
L’objet des prochaines élections municipales pourrait donc dépasser les enjeux locaux. Il pourrait définir le genre de démocratie dans lequel nous voulons vivre.